L’isolement des personnes âgées : « Si on ne fait rien, ils seront 1 million en 2030 ». Anne GENEAU, Présidente de l’association Les Petits Frères des Pauvres a introduit cette conférence du 30 septembre 2025. Elle a rappelé que l’association publie ce nouveau baromètre dans la continuité des précédents de 2017 et 2021. Quels enseignements depuis nos précédents baromètres ? Quelles actions concrètes pour agir demain ?
Sans appel, les chiffres appellent à l’action, qu’elle soit individuelle et/ou collective !
Cette 3ème édition de la solitude et de l’isolement des personnes âgées a fait l’objet de deux études. Une première, quantitative, par téléphone auprès de 1860 individus âgés de 60 ans et plus, vivant en France. La seconde, qualitative, avec 19 entretiens individuels d’environ 1H auprès de personnes accompagnées par les Petits Frères. Quels enseignements tirés de ce nouveau baromètre, rapportés par Quentin LLEWELLYN ?
Sur les 17,7 millions de personnes âgées de 60 ans et plus, 4%, soit environ 750.000 personnes sont considérées en « mort sociale ». Cela signifie que ces personnes sont isolées des 4 cercles de sociabilité (familial, amical, voisinage, réseaux associatifs). Ce chiffre évolue dans le temps, passant de 2% en 2017 à 3% en 2021. C’est un chiffre qui grimpe à 6% chez les 80 ans et plus. Concernant la mesure du sentiment de solitude, 30% le ressentent au moins de temps en temps en 2025. Ce chiffre était de 36% en 2021 et 31% en 2017. A cela, 76% indiquent se sentir seul de façon durable. Enfin, 49% ne sortent pas de chez eux quotidiennement, surtout en milieu rural.
Faisons un focus sur l’habitat :
Plus d’1/5 des personnes âgées de plus de 60 ans considèrent que leur logement actuel ne sera pas adapté à leur situation dans les prochaines années. Pourtant, 57% n’envisagent pas de vivre ailleurs que dans leur logement, même si celui-ci n’est plus adapté à leur situation en cas de perte d’autonomie. Ce chiffre passe à 74% parmi les 85 ans et plus. Ainsi, 43% se déclarent prêts à quitter un jour leur logement actuel pour vivre ailleurs en cas de perte d’autonomie.

« L’appartement j’en fais presque partie maintenant, j’y suis depuis 25 ans. Maintenant c’est bon, je ne bouge plus ! À mon âge, commencer à faire des cartons ? Oh non… Et puis, je suis habituée. » Patricia, 71 ans
Les personnes âgées de 80 ans et plus et les aînés les + pauvres représentent la population à risque majeur de solitude et d’isolement.
Vers une crise durable du lien social ?
Yann LASNIER – Délégué Général PFDP nous éclaire sur cette « envolée de l’isolement social et de la mort sociale ». L’objectif est bien la réalisation d’un document avec 15 préconisations réparties en 4 catégories. Il s’agit de la prévention de l’isolement social, de l’habitat, des territoires et de la préservation du lien social, et enfin de la lutte contre la pauvreté. Nous reprenons ici certaines des données avancées sur lesquelles nous serons davantage attentifs dans les mois à venir, au nom de Béguinage & Compagnie :
- Concernant la prévention de l’isolement social, l’association demande de réaliser un chiffrage du coût économique de l’isolement social pour la société française. Elle questionne les 333 milliards d’euros de dépenses médicales, ayant pour potentielles racines, l’isolement social.
- Concernant le repérage de l’isolement, en lien avec l’habitat, les territoires et la préservation du lien social, plusieurs données ont retenu notre attention. La première qui nous a marqué : 380.000 personnes en France n’ont pas de voisins ! La deuxième est la préconisation concernant le besoin de faire émerger un parcours résidentiel adapté à l’avancée en âge. Sur ce sujet, nous proposons le Programme Habiter demain. La dernière donnée évoquait les actions favorisant le maintien et le développement du lien social de proximité (accès aux transports – faciliter la mobilité sur extérieur – commerces de proximité – services publics avec des humains). Ces sujets ont abordés au travers de la démarche “Villes Amies des Aînés” accompagné chez Béguinage & Compagnie.
Mort sociale : « Des vies réduites au silence… » +150% en 8 ans
Stella DELOUIS, Présidente de la commission d’action sanitaire et sociale à l’Assurance retraite certifie qu’il y a eu un avant et après COVID. Une prise de conscience sur l’impact de l’isolement social sur le vieillissement des personnes a bien eu lieu. Depuis, les orientations tiennent compte des 3 transitions : démographique, numérique et climatique.
Laurène BASTIDE, Journaliste et autrice du livre « Enfin seule » propose de réfléchir la vieillesse en féministe. En effet, la longévité est supérieure chez les femmes. Elle revient sur cette solitude subie, non choisie, du fait d’un divorce ou d’un veuvage. Elle rappelle qu’il faut trouver une forme de sérénité, d’alignement avec soi-même. Cela nécessite d’avoir un abri, un endroit où on se sent en sécurité pour avoir la possibilité de se questionner. L’auteure rappelle aussi que les femmes deviennent invisibles dans la société (média, film…) et encore plus avec l’avancée en âge.
Pour conclure cet évènement, une table ronde présentant les actions en Ile-de-France a eu lieu, avec l’intervention de Maude FERAL – Directrice Fraternité Paris de l’association Petits Frères des Pauvres. Elle a développé son propos en donnant quelques exemples d’actions récurrentes, notamment la baraque à Frat’ ou encore le Petit café mobile dans les 14è et 15è arrondissements, sur marché local. « Il n’y a pas de porte à franchir, nous sommes là tous les vendredis ».
Pour appuyer ce besoin d’aller vers, Jean-Christophe MARAIS, Vice-Président de l’association conclut sur le fait qu’on ne peut pas détourner le regard. Les chiffres et les témoignages sont à l’appui, chaque jour sur le terrain. Mais le baromètre est un signe porteur d’espoir, d’initiatives locales, d’engagement associatif, et de solidarités de voisinage. C’est les prémices d’une réponse à la solitude et à la dignité des vieillissants !