Chez Béguinage & Cie, nous évoquons souvent cette notion du « chez-soi ». Mais qu’est-ce qu’elle sous-entend et quelle est sa définition ? Regardons la description qu’en donne le sociologue Jean-Luc Charlot :
Jean-Luc Charlot est sociologue et coordinateur national du réseau des GIHP, association de personnes en situation de handicap.
Depuis une petite dizaine d’années, il publie sur les questions de l’habiter. Pour schématiser le « chez soi », Monsieur JL. Charlot rappelle que celui-ci est culturellement en occident, schématisé par une « maison » composée d’un toit et de quatre murs.
Nous reprenons ses dires avec ce dessin qui illustre ses propos
Pour que cette « maison » devienne le véritable « chez-soi », il insiste sur les 3 composantes que sont l’intimité, la clôture et le gouvernement de son temps.

Les 3 composantes du chez-soi :
L’intimité : Notre façon d’agir ensemble et de faire société a fortement évolué vers la fin du 18ème siècle. La vie privée a vu le jour lorsque l’individu a cherché à se soustraire des contraintes du collectif. Cela s’est traduit par le fait qu’il puisse façonner son espace personnel comme il le souhaite. L’ameublement, la décoration, l’organisation, et le rangement sont organisés à partir des souvenirs qu’il s’est construit autour de lui. Cet espace est devenu l’antre des secrets, que ce soit concernant la vie familiale ou domestique et leurs arrangements privés. Se tenir dans le monde et s’y retirer en faisant demeure d’un espace !
La clôture : Elle est très en lien avec le sentiment de sécurité puisqu’il se réfère au fait de pouvoir contrôler qui peut entrer dans la « maison ». Le « maitre » des lieux décide d’accueillir qui il souhaite, sur le pas de la porte ou dans sa maison. À l’inverse, il peut refuser de recevoir certaines personnes. La clôture est matérialisée par la porte que l’on peut ouvrir (hospitalité) ou laissée fermée (prison). Jean-Luc Charlot reprend ces éléments de Georg SimmeT. Celui-ci questionne certains lieux de vie où habitent des personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie.
Le gouvernement de son temps : C’est être maitre de son temps, de ses choix, de son organisation et donc de sa manière subjective d’habiter. Il s’agit d’habiter un logement, un lieu de vie (collectif), un quartier, un territoire. Cela se matérialise par le fait de choisir ce que l’on va faire de sa/ses journée(s), selon ses envies et aspirations du moment présent.
Ces 3 conditions sont essentielles pour se sentir « chez-soi »
Or, ces conditions, comme le rappelle Jean-Luc Charlot, sont mises à l’épreuve quand les personnes vivant à domicile se retrouvent en situation de perte d’autonomie et qu’elles sont accompagnées (proches-aidants, professionnels de l’accompagnement…) au quotidien. Ça peut aussi être le cas pour les personnes vivant en habitat inclusif, quand le collectif vient empiéter sur la vie privée des habitants.
Le sociologue conclut son écrit en évoquant le véritable chez-soi quand celui-ci est vécu et ressenti comme tel par la personne du fait de son appartenance au lieu, à savoir aussi bien à l’espace réduit de la « maison » mais aussi à son quartier, à son voisinage, à son réseau.
Le chez-soi est la condition d’un possible déploiement pour celui ou celle qui l’habite, l’unité d’un possible devenir citoyen et le lieu à partir duquel un champ des possibles s’ouvre.
En ce sens, il est difficile d’attendre de l’habitant de contribuer à la vie collective, si celui-ci ne connait pas ce sentiment du « chez-soi », comme le souligne Mona Chollet.

Si nous vous partageons cet écrit c’est parce que les propos du sociologue JL. Charlot résonnent en nous. En effet, nous abordons souvent cette notion du « chez soi » dans le cadre de nos ateliers. Nous entendons beaucoup parler des conditions pour que le logement, qu’il soit nouvellement construit donc habité ou réhabilité, le devienne. Nous constatons lors des ateliers d’Assistance à Maîtrise d’Usage ou dans le cadre des études d’opportunité, que le sentiment de sécurité, le respect de l’intimité et le respect des choix de vie sont essentiels pour s’y sentir bien.